On croise un SDF dans la rue et on l’oublie, un instant après.
La rencontre avec l’exclusion est le miroir de nos angoisses. On cherche toujours à oublier, à fuir ce qui nous fait peur, c’est une réaction naturelle de défense, quel que soit son niveau de « conscience sociale ».
Le mouvement du tournage de ce film a contenu l’oubli du SDF qui avait été filmé au début du plan, pourtant de très près. Cet oubli qui s’est déroulé en quelques secondes, et qui fut mon vécu, a donné matière à un travail plus en profondeur sur les émotions et sur la forme : faire sentir la façon dont se passe notre oubli.
Cet oubli, à l’échelle de quelques secondes, que devient-il à l’échelle de la Grande Histoire ? Ne nous faisons pas croire qu’on oublie moins... c’est pareil, à une autre échelle, c’est donc énorme.
J’ai essayé de mettre en scène visuellement, par un dédoublement progressif de l’image tout au long du film, le désir de mémoire que chacun a tout de même en lui, malgré ses faiblesses. Cette image dédoublée représente à mon sens l’espoir de mémoire qu’il y a en chacun.