Contemplation féministe

21 octobre 2021. Publié par Benoît Labourdette.
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Des mots projetés sur les murs transforment un simple lieu en un espace qui invite à une pensée intime du féminisme.

Installation réalisée en collaboration avec les étudiant.e.s de la promotion 2021/2022 du Master 2 Audiovisuel et Médias Numériques de l’Université Grenoble Alpes, dans le cadre d’un workshop « Vidéo mobile et immersion » animé par Benoît Labourdette.

L’installation

Ces mots, schémas et dessins sont projetés sur les murs, le sol et le plafond. Ils font éclore en toute simplicité des questionnements personnels. Cet espace singulier invite à un retour sur soi, à une pensée calme. Nous avons remarqué que les visiteuses et visiteurs ont spontanément envie de s’allonger dans ce lieu bienveillant, de lâcher prise. Cet endroit semble empreint d’une vie douce et riche de découvertes. Après un moment, ils ont aussi envie de se prendre mutuellement en photo dans cet univers, de garder une trace de ce moment au fond très intime.

Le dispositif

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Le dispositif est simplement constitué d’un vidéoprojecteur courte focale (0,5) et d’une caméra banc-titre IPEVO VZ-R qui y est connectée. Tous deux sont placés à un angle de la pièce. Le projecteur couvre une surface dont la largeur est double de la distance. Ainsi, si la pièce fait 5 mètres de diagonale, le projecteur va projeter une image de 10 mètres de large, qui va couvrir quasiment tout, du sol au plafond.

Sous la caméra, on dessine au feutre. Ces dessins (en négatif, grâce à une fonction intégrée dans la caméra) sont projetés sur les murs. On peut aussi découper des petits bouts de papier avec les dessins, afin de pouvoir les placer très précisément dans l’espace.

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La création

Le moment de création des mots et dessins est collectif. L’ensemble se constitue au fur et à mesure des propositions de chacun, prend sens peu à peu en relation avec le rendu de la projection dans l’espace. C’est un véritable moment d’exploration.

Bien-sûr, pour le groupe qui crée les textes et dessins, il faut, amont de cette activité, avoir pris le temps de réfléchir sur le féminisme, afin que ce qui apparaît soit fondé et important pour chacun.e. Je pense qu’un échange classique sur le sujet n’est pas la meilleure manière, car on risque des discours normatifs. Personnellement, j’apporte un grand nombre de livres sur le féminisme, et je propose très simplement, librement, un temps où chacun.e consulte, compulse, s’imprègne de ce qui lui parle, et de notions peut-être plus précises que celles qu’elle.il avait auparavant. Ainsi, les mots et dessins qui seront proposés seront plus ancrés et enrichissants pour les visiteuses et visiteurs.

L’interaction

Les personnes, accompagnées d’une ambiance sonore diffusée dans la pièce, trouveront beaucoup d’étonnement à voir les textes et images se transformer, s’anamorphoser à mesure de leurs déplacements dans l’espace. Elles s’amuseront aussi de la projection sur leurs corps. Elles vivront une relation très intime, très physique, avec ces notions et schémas. Par exemple, la projection du clitoris sur un homme représente une image très touchante. Et, à plusieurs, elles vont jouer à placer l’autre dans des postures très précises, pour que les mots soient projetés aux bons endroits sur le corps. Ce travail sur la posture fait écho aux postures dans les interactions sociales entre les femmes et les hommes.

Il pourrait aussi être possible d’imaginer que les visiteuses et visiteurs interviennent sur les dessins et les textes, en les déplaçant, en en créant de nouveaux. Mais, étonnamment, le déplacement dans ce simple espace offre déjà un très grand nombre d’interactions, qui font vraiment réfléchir, de façon très ludique et à la fois très délicate.

Portfolio

La pratique du féminisme me semble être un enjeu essentiel dans les actions culturelles, car la prise de conscience des systèmes de domination permet d’aller vers plus d’égalité, donc de contribuer à la démocratie. Les inégalités entre les femmes et les hommes sont pour moi une pierre angulaire des dominations qui portent préjudice à toutes et tous.

Mais comment « mettre en pratique le féminisme » concrètement dans les propositions d’activités publiques ? Comment des actions culturelles, quel que soit leur champ de mise en œuvre (artistique, social, éducatif, professionnel...), peuvent susciter des prises de conscience intimes qui peuvent nous déplacer intérieurement vers plus de respect des droits humains ? Il ne s’agit pas d’énoncer un discours féministe normatif, mais de mettre en pratique une égalité dans les manières d’agir. C’est beaucoup plus fin et délicat à faire qu’on pourrait le croire, car cela passe par des remises en question de ses propres fonctionnements inconscients.

Je partage ici des ressources, partielles, à partir de mes propres cheminements, pratiques et questionnements collectifs : propositions et récits d’actions culturelles, méthodes de travail, approches de la création artistique et réflexions plus conceptuelles ou biographiques.