L’éducation rationnelle de l’enfance
L’enseignement où l’enfant n’est pas le premier artisan de son éducation est plus dangereux que profitable.
Comment éduquer l’enfant ? Comment en faire un homme et non un esclave ?
Il est nécessaire que l’enfant s’instruise lui-même, non seulement parce que l’assiduité forcée est nuisible à son développement, non seulement parce que ce qu’il a découvert se fixe mieux dans son esprit que ce qu’il a appris, mais surtout parce que la « faculté de découvrir est la première et la plus précieuse de toutes ; celle qui veut être soignée, entretenue, développée avec le plus de soin et le plus de respect ».
Ne perdons pas de vue que fournir, d’avance, des réponses à l’enfant qui n’interroge pas, c’est arrêter l’élan de la recherche, rendre son esprit paresseux, atrophier sa sagacité.
Il est impossible de soutenir que le système d’éducation actuel ait un autre effet que de déprimer l’enfant.
On doit considérer l’enfant hardiment comme un génie auquel on doit fournir la matière de ses découvertes et les instruments de son expérience.
Il n’y a pas de méthode qui convienne à tous les enfants. Chacun réclame une culture appropriée. Toutes les facultés, y-compris la mémoire, ont leur mode d’acquisition, variant d’un individu à l’autre : celui-ci fixe ce qu’il entend, celui-là a besoin de lire pour retenir ; celui-ci observe quand il veut, celui-là quand il peut ; celui-ci les choses exactes et limitées, cet autre, les choses impondérables ; un enfant montrera une habileté égale dans toutes les branches, tandis qu’un autre marquera une tendance à se spécialiser contre laquelle échoueront les efforts les plus loyaux.
Naturellement, on ne peut compter que sur l’enfant lui-même pour savoir dans quelle voie il s’engagera avec joie et passion, c’est à dire avec profit.
Je sais de quel sourire les pédagogues sérieux m’écraseraient, s’ils m’entendaient, mais je pense que si au lieu de considérer l’enfant comme un être auquel nous devons infuser la science que nous possédons, et qu’attestent les diplômes ; nous le considérions hardiment comme un génie à qui nous devons fournir la matière de ses découvertes et les instruments de ses expériences, le résultat serait une moisson de génies.
Donc il s’agit de sortir résolument de l’ornière, de mettre l’élève à même de se renseigner, d’expérimenter lui-même, d’être lui-même le premier artisan de son éducation.